L’espace
choisi
L’espace naturel allemand se subdivise en trois
parties bien caractérisées : au Nord, l’Allemagne des grandes plaines
quaternaires (Tiefland) ; au Sud, l’Allemagne
alpine secondaire et tertiaire collinéenne et haute-montagneuse (Alpenland) et entre ces deux milieux, s’étire, d’ouest en
est, l’Allemagne moyenne au relief compliqué des petits massifs anciens
primaires (Erzgebirge), des plateaux primaires (Eifel) ou secondaires (Frankenland, Suisse saxonne) quelquefois surmontés
d’édifices volcaniques récents (Eifel, Rothaargebirge,
Rhön),des dépressions comme le Vogtland, le tout
découpé par des vallées profondes dont la plus connue est la « Trouée
Héroïque » du Rhin (Mittelgebirge). Vous pouvez découvrir quelques photos ici
Il est imaginable de faire une traversée du Nord
vers le Sud en faisant une jolie coupe à travers tous les milieux cités. Le
chemin européen E1 de la Mer du Nord à la Méditerranée ferait l’affaire, l’E6
de la Baltique à l’Adriatique aussi car plus ou moins parallèle au premier mais
décalé vers l’Est du pays. A regarder de près, ils contournent le cœur de la
Bavière et traversent l’interminable plaine du Nord.
Finalement, j’opterai pour le parcours des milieux changeants de
l’Allemagne moyenne. C’est une mosaïque de petits pays bien individualisés aux
couleurs variées et variantes avec le changement des saisons. Cela signifie,
alors, d’établir une traversée d’Est en Ouest de la frontière polonaise
(Oder-Neisse) à la frontière luxembourgeoise (Moselle). Vu les dimensions des
unités géographiques et topographiques constituant cette Allemagne moyenne, la
randonnée ne sera pas ennuyeuse, chaque détour de chemin réservera sa surprise.
Quels avantages supplémentaires ? Cinq länders seront concernés : Sachsen (partie orientale),
Thüringen et Hessen (centre), Nordrhein-Westphalen, Rheinland-Pfalz et Saarland (partie
occidentale), enfin l’ex DDR dans sa
partie méridionale et l’ex BRD dans sa partie centrale et occidentale. Bref, un
itinéraire chargé d’une riche histoire. Cependant, il faudra se faufiler à la
marge de quelques concentrations urbaines comme celle de Dresden,
Chemnitz, Plauen, Kassel, Siegen, Bonn et Trier. On fera étape à Siegen et
Trier. Concrètement, cela définit, à l’échelle nationale, un axe brisé, sorte
de « couloir » de plus ou moins 20 kms de large sur une distance
d’environ 1000kms.
Pour voir le croquis
de l’itinéraire dans son contexte, suivez le lien
Début : ce serait Zittau, sur la
Neisse affluent de l’Oder, à l’extrême Est de la Saxe, en Haute-Lusace (Oberlausitz), directement à la frontière de la Pologne et
de la République Tchèque. En somme, le coin des « Trois
frontières ».
Fin : ce serait Perl, sur la Moselle, à l’extrême Ouest
de la Sarre dans le Saargau exactement à la frontière
luxembourgeoise et française. Encore un coin des « Trois
Frontières ».
Entre ces deux localités, on trace son itinéraire en
exploitant des cartes généralistes à petite échelle que l’on trouve dans tous
les atlas ou manuels concernant l’espace allemand (carte du relief, carte des
densités de population, carte des grands foyers économiques, cartes
historiques, carte touristiques, etc.…). Cela permet de se faire une première
idée sur le projet et inspirera la confection du croquis évoqué ci-dessus (cf. ici un exemple
concret).
On confirme cette recherche en exploitant, par
exemple, la série « Die Freizeitkarte Allianz » au 1/100 000e où figurent les
grands axes pédestres traversant le pays. A la différence de nos cartes IGN, le
relief est oblitéré le tracé assez approximatif et l’utilité de ces cartes
tend, alors, vers zéro (cf. un extrait de ce type de carte).
Quand on exploite des cartes plus précises comme
celles de l’ADAC (1/150 000 e) ou les Wanderkarten au
1/50 000e qui tiennent compte du relief, du réseau hydrographique,
de la planimétrie et bien-sûr du réseau des itinéraires pédestres balisés, on
s’aperçoit que :
Perl, en Sarre, serait le point tout indiqué pour finir
la randonnée. Tout converge, en venant du nord, vers ce lieu ; soit en
longeant la Moselle (Chemin balisé « M ») soit en suivant l’interfluve
Saar/Moselle (chemin balisé avec la coquille de St-Jacques). Choix :
l’itinéraire de St-Jacques : parce qu’il offre de belles vues, traverse de
petits villages pittoresques et parce que il frôle la localité de Zins où il y a un bon hôtel qui sera le point de départ
collectif, avec tous les invités, pour la dernière étape jusqu’à Perl
(15kms). Voir
ici la carte
Zittau, en Saxe, est facile à atteindre avec les transports publics.
L’hébergement est aussi adéquat avant d’entamer ce long parcours. Dans quelle
direction ? Cela est moins simple qu’il n’y paraît. Si l’on veut un
itinéraire strictement sur le territoire allemand, il faut se diriger vers le
nord pour contourner l’excroissance du territoire tchèque (Pays de Varnsdorf). Cela signifie des détours sans beaucoup
d’intérêt. L’idée la meilleure, c’est d’attaquer rapidement les hauteurs de la
Haute-Lusace (Oberlausitz) vers Bad Oybin vers le sud, traverser la frontière D/CZ et se raccrocher au E3 qui se dirige tout droit
vers l’ouest tout en m’offrant un joli parcours en moyenne montagne avant
d’entamer la « Suisse Saxonne » (Sächsiche
Schweiz). De plus, une carte tchèque des KCT au 1/50 000e couvre
très bien la région. Voir ici la carte
Quelle échelle pour les cartes ?
Cartes au 1/25 000e (1 cm = 250m) : l’idéal pour le piéton
évidemment mais ce type de carte a le triple défaut de :
limiter le contexte spatial au niveau
local. Que faire s’il faut, pour une raison ou une autre,
« décrocher » vers une localité plus importante ou recomposer
« sur le tas » son chemin alors que vous vous trouvez juste à la
limite de deux cartes dont une fait défaut ?
« consommer » un nombre
considérable de feuilles
coûter finalement très cher
Choix fait : on se limitera à quelques unes de ces cartes destinées à couvrir les zones
topographiquement confuses comme celles de la Suisse Saxonne ou de l’Eifel
septentrionale ou méridionale.
Cartes au 1/50 000e (1cm = 500m) : c’est le meilleur
compromis entre la définition du parcours, la richesse des renseignements et la
nécessité d’avoir toujours une hauteur de vue sur le terrain et son contexte
géographique.
Choix fait : la quasi- intégralité de l’itinéraire sera
couvert par ce type de cartes. Calcul réalisé : plus de 2kg de
cartes ! Pas question d’emmener le tout! On utilisera les services de
« poste restante » ce qui oblige à découper la randonnée en grands
tronçons : ex : tronçon 1 qui couvrira le chemin de Zittau à Bad Schandau (3 cartes),
etc..
Où trouver ces cartes ?
En France, on
est habitué aux produits de l’IGN organisme public qui couvre systématiquement
le territoire. On retrouve cette logique centralisatrice en République Tchèque.
Pour mon compte, il suffit de se rendre sur le site www.kct.cz
pour trouver une exacte couverture, en somme la cartographie des cartes par ex.
au 1/50 000e et de faire son choix en l’occurrence la carte N° 14
« Luzické Hory ».
En Allemagne, les cartes sont publiées par les
services cartographiques des Länders, les Vermessungsämter. Ce système décentralisé complique
singulièrement la recherche du matériel cartographique. Il est nécessaire de
s’adresser à chaque institut et recommencer
six fois le travail ; voici la liste de tous les sites officiels
consultés :
Pour la Saxe : www.landesvermessung.sachsen.de
Pour la Thuringe : http://www.thueringen.de/vermessung/
Pour la Hesse : www.hvbg.hessen.de
Pour la Rhénanie-Westphalie : www.lverma.nrw.de
Pour la Rhénanie-Palatinat : www.lvermgeo.rlp.de
Pour la Sarre : www.lkvk.saarland.de
En plus, il faut bien s’assurer que toutes ces
cartes sont des versions touristiques avec leurs réseaux pédestres en surcharge
classiquement appelés Wanderkarten ou Freizeitkarten.
Comment exploiter les cartes ?
Une fois que l’on dispose de la grille des cartes
des Länders, il suffit de « plaquer » votre
itinéraire encore plus ou moins théorique : toute carte coupée est donc
concernée. Dans le doute, prendre une carte jointive.
Comment effectuer ses commandes ?
Il y a deux possibilités : ou bien on commande
directement par Internet ou en passant par une librairie. Le prix de vente
étant le même. Personnellement, je me suis adressé à la librairie Bock und Seip à Saarbrücken. Pour
information voici l’adresse : www.bock-seip.de
Comment marquer définitivement le
parcours ?
On s’aperçoit très vite que les topographes
d’associations de randonnées pédestres (Eifelverein
en D ou KCT en CZ) ont inscrit des chemins balisés relevant de différents
niveaux d’échelles :
itinéraires internationaux comme l’EB (Eisenach en ex-DDR- Budapest
en Hongrie), l’E3 (St Jacques de Compostelle en Espagne- Slovaquie), l’E1( Mer du Nord-Adriatique). C’est la Fédération
Européenne de Randonnée Pédestre (FERP) qui imprime ses marques sur le terrain
et désormais sur toutes les cartes touristiques européennes.
Itinénaires nationaux comme le WDE (Weg der Deutschen Einheit) ou le Wartburgweg, etc
Itinéraires régionaux comme le Karl Kaufmannweg
qui traverse, du nord au sud, toute l’Eifel
Itinéraires locaux toujours innombrables comme les tours de
circonscriptions (Kreiswanderweg) ou de communes (Gemeindeweg).
Cela donne des réseaux, tous chemins confondus ou
superposés, souvent très denses mais cela reste bien lisible sur les cartes au
1/50 000e.
Il est théoriquement simple d’emprunter les grands
axes pédestres comme on le fait sur nos GR mais, quelquefois, en Allemagne,
cela contredit votre direction majeure c’est-à-dire s’écarte de l’azimuth dominant de votre randonnée. En voici les causes
les plus fréquentes :
l’itinéraire change évidemment de direction. Par exemple,
après Siegen j’emprunte l’E1 ; celui-ci va vers le sud en direction de Koblenz et donc, à un endroit donné, il faut le
« larguer » car je me dirige vers le Sud-Ouest
pour traverser le Rhin plus au nord ...
Autre exemple dans le Thüringer Wald : carte ici
L’itinéraire traverse une région/zone constituée de
« montagnes russes » assez pénibles à parcourir. C’est le cas de l’E3
ou l’EB dans l’Erzgebirge. Il faut donc recomposer son itinéraire ; ainsi,
pour une direction donnée (ici vers le sud-ouest) prendre un sentier moins
chaotique, plus haut en altitude et, donc, dans cette région, décalé vers l’Est
à la frontière tchèque comme le WDE (Weg der Deutschen Einheit).
L’itinéraire balisé traverse des zones urbaines denses (Aue/Schneeberg dans l’Erzgebirge, Siegen, Trier). Là, on a
le choix : soit « fonce dessus » soit on contourne et ce n’est
pas toujours simple de se faufiler dans ces milieux.
Exemple du côté de Siegen : carte ici
Ma philosophie consiste à rechercher les itinéraires
les moins fatigants qui suivent les lignes de crêtes et les fonds de vallées.
Ils relient des points d’appui indispensables où l’on trouve ravitaillement,
hébergement et autres services pratiques. Pas besoin que ces points soient
proches car on peut toujours planter la tente ou, mieux, mobiliser un abri en
forêt (Schutzhütte).
Toutes ces considérations conduisent à marquer sur
la carte au feutre jaune ce que l’on
va emprunter une fois sur place.
Comment s’adapter sur
le terrain ?
Une fois l’itinéraire indiqué sur environ 1000 kms,
après mûre réflexion, on s’y tiendra rigoureusement. Bien sûr, quelques rares variantes
ont été prévues ; l’une est mieux
appropriée par mauvais temps que l’autre. On saura toujours rester souple en
s’écartant du « droit chemin » pour mobiliser un abri, une source, un
hébergement proche, etc.…
Une chose est sûre : on sait où on va
mais on ne sait pas, à l’avance, où on sera. Le facteur temps, donc la
longueur des étapes doit être laissé, plus ou moins, à l’improvisation du
moment. Avoir une vision sur trois jours suffit. Planifier plus, vous impose
une cadence donc un stress. A chaque
jour sa peine.
Voilà pourquoi, pour concilier espace/distance et
temps, je pars sur une base de « seulement » 12 kms/jour. Ma
traversée de l’Allemagne compte environ 980 kms ce qui « consomme »
82 jours, pause d’un jour par semaine comprise. Il est évident que je suis
capable de marcher au-delà de ces 12 kms journaliers et c’est cette marge qui
« financera » les arrêts.
Augmenter la moyenne contraint à une cadence plus
soutenue et il est toujours plus difficile « d’être dans les temps »
si des imprévus forcent à ralentir, ne fût-ce qu’à cause du mauvais
temps : ces jours-là, il vaut mieux s’arrêter ou traîner. Un exemple
concret le montre bien: en 2002, lors de la randonnée de la Slovaquie à
Metz en France, sur 1240 kms, la moyenne journalière s’établissait à 13,1 kms
soit, à peine, 1,1 kms en plus de la moyenne de 12 kms chiffre de référence et
ce, en 95 jours. Un petit calcul montre, qu’en arrivant à destination, j’avais
plus de 100 kms d’avance ou plus d’une semaine ! Et pourtant, une étape
sur cinq soit 20% de l’ensemble des étapes réellement faites avait moins de 12
kms avec un minimum de … 3kms !
L’esprit de la randonnée doit toujours tenir compte
de la vigueur du relief, du temps qu’il fait, de la forme physique, des
commodités qui se trouvent le long du chemin. Ces paramètres au dosage plus ou
moins savant déterminent la longueur de l’étape.
Chemin dans l’Eifel : où
mène-t-il ?